Entretien avec Philippe Ourliac de l'OTeN à l'occasion de la sortie de l'étude "Données publiques : clés et repères"
Philippe Ourliac est le délégué général de l'OTeN.
Suite au séminaire du 26 mars organisé par e-mégalis et à l'occasion de la publication de l'étude thématique "Données publiques : clés et repères", Philippe Ourliac a accepté de répondre à nos questions.
Votre étude livre une réflexion globale sur la mise à disposition et la réutilisation des données publiques. Comment expliquer que le sujet ait pris autant d'importance dans les débats territoriaux ?
Tout d’abord on peut s’étonner du retard sur le sujet, en effet la transposition française de la directive européenne ainsi qu’un décret sont de 2005 ! Mais, en France, dès lors que le projet novateur de Rennes Métropole a ouvert les consciences, les collectivités, poussées par le mouvement open data plus que par une volonté politique, se sont saisies du sujet.
Parallèlement, la veille exercée par les acteurs du numérique territorial, dont l’OTeN, a permis de transférer les connaissances vers les collectivités et de générer une dynamique. C’est, suivant nos observations, ce jeu d’acteurs qui a facilité l’accélération et l’émergence des projets.
Quels constats avez-vous faits dans les régions qui ont déjà initié des projets pour ouvrir leurs données publiques en ligne ?
Ci-contre couverture de l'étude Données publiques : clés et repères. Pour la télécharger rendez-vous sur le site de l'OTeN ou cliquez sur l'image de couverture.
Rappelons que la mise à disposition et la réutilisation des données publiques est une obligation légale. Premièrement l’origine des projets est issue d’une population initiée, notamment des agents de collectivités, des DSI, SIGistes et plus généralement des acteurs des TIC qui ont su mobiliser des élus sur la nécessité de répondre à cette obligation. Il y a ensuite le mouvement open data (que nous distinguons de la logique « données publiques » institutionnelle) qui a poussé parfois des élus, souvent des agents à se mettre en ordre de marche.
Et au final, il y a depuis peu, au fur et à mesure de la notoriété des projets, quelques élus moteurs. En tous cas nous avons remarqué qu’à chaque fois le sujet était abordé dans l’urgence (peu de temps entre la décision et l’action), sans réelle concertation avec les agents « terrain » producteurs/collecteurs de ces fameuses données mais surtout, de notre point de vue, plus vers un objectif communicationnel opportuniste.
En revanche passé le souffle de la nouveauté, les projets mâturent et s’améliorent, s’inscrivant réellement dans le territoire ou en vertu des doctrines originelles (économie, transparence démocratique, démarche citoyenne, amélioration du service public ou co-construction de politiques publiques…).
Que pensez-vous de la démarche menée à ce sujet par e-mégalis pour l’accompagnement des collectivités bretonnes ?
Au même titre que la e-administration qui impacte et concerne toutes les strates territoriales, les données publiques nécessitent un travail important d’explication, de démystification et de réassurance des acteurs publics. La sensibilisation par l’exemple, au plus près des territoires, nous semble une nécessité.
Les acteurs du mouvement open data souhaitent, à raison, que toutes les collectivités se lancent ; nous leur disons qu’il faut laisser le temps aux territoires, pas que les plus petits d’ailleurs, de s’organiser et de bien appréhender le sujet le plus largement possible.
Il devient évident qu’e-mégalis Bretagne, acteur du numérique, accompagne, collectivement, les collectivités bretonnes. C’est seulement à ces conditions que le dialogue entre producteur/utilisateur/promoteur sera efficient.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le projet d'accompagnement collectif actuellement expérimenté en région Midi-Pyrénées ?
L’OTeN organise ses missions sur la base de l’analyse des bonnes pratiques. Fin 2008 nous avions commencé à traiter des données publiques entre membres. La décision de lancer une étude a suivi en 2010 pour un livrable fin 2011, compte tenu des rares pratiques françaises. L’expertise accumulée via l’étude se traduit en action de transfert de compétences.
L’OTeN, siégeant en Midi-Pyrénées, a sollicité le FEDER et le Conseil régional de Midi-Pyrénées pour cofinancer une action collective en 3 phases itératives en partenariat avec ARDESI, l’agence numérique régionale : 1/ organiser des séminaires de sensibilisation et d’explication des enjeux liés aux données publiques (la loi, les avantages, les inconvénients, les exemples…). 2/ organiser des séminaires sur l’organisation nécessaire en interne pour lancer un projet local (fourniture de délibérations, modèles, guides…). 3/ fournir un appui technique et technologique pour le répertoire des données publiques (plateforme mutualisée ou références open source, gestion et organisation des données…).
Le projet a été lancé en novembre 2011 et nous remarquons une volonté des collectivités engagées (50) à suivre chaque séminaire pour aller toujours plus loin. Nous avons l’ambition d’inscrire la démarche données publiques durablement dans les collectivités, c’est pour cela que nous avons sollicité le CNFPT pour lui fournir tous les contenus produits (guides, méthodes, trousseau documentaire) afin que soient organisées des formations pérennes permettant aux « nouveaux entrants » de se familiariser avec ces sujets qui deviennent des habiletés professionnelles au même titre que la pratique de l’informatique.
Ensuite l’OTeN veille à essaimer les expérimentations dans d’autres régions, ce pourra être le cas chez vous avec e-mégalis Bretagne, car nous nous appuyons sur l’organisation locale.